Hypocrisie

De nos jours, avec les réseaux sociaux, nous sommes constamment jugés sur ce que nous aimons, ce que nous faisons ou pensons. Avec cette pression sociale qui pèse sur nos épaules, on en vient facilement à dire ou à faire des choses que nous ne pensons pas afin d’être accepté par les autres. Ces habitudes que nous prenons sont hypocrites et pourtant nous les trouvons de plus en plus normales. Serions nous entrain de normaliser l’hypocrisie ? Mais avant tout, qu’est-ce que l’hypocrisie ?

 

ÉTYMOLOGIE:

Le mot hypocrisie a pour origine hypocrisis, du grec ancien υ ̔ π ο ́ κ ρ ι σ ι ς qui signifie mimique; imitation de la manière de parler et des gestes de quelqu’un.

(source: site du CNRTL)

 

DÉFINITIONS:

  • Déguisement en matière de dévotion ou de vertu.

(source: site du Furetière)

  • Caractère d’une personne qui dissimule sa véritable personnalité et affecte, le plus souvent par intérêt, des opinions, des sentiments ou des qualités qu’elle ne possède pas.

(source: site du CNRTL)

  • Fait de déguiser son véritable caractère, d’exprimer des opinions, des sentiments qu’on a pas.

(source: Le Robert 2016)

D’après l’étymologie du mot, les Grecs employaient le terme d’hypocrisie pour désigner le comportement des acteurs sur scène.

Or, sa définition n’a pas vraiment évolué depuis mais le contexte dans lequel on l’emploie si. En effet, l’utilisation que nous en faisons de nos jours est plus générale: nous nous servons de ce terme pour parler des personnes qui nous entourent bien que ce ne soient pas des acteurs.

Pourtant, c’est bien le même sens que les Grecs que nous donnons au mot hypocrisie : nous l’employons car nous trouvons que les personnes autour de nous jouent de nos sentiments et ne sont pas honnêtes avec nous, nous les considérons comme des acteurs dans notre quotidien.

 

CITATION:

“Ce n’est pas la morale qui fout le camp. C’est la pudibonderie, c’est l’hypocrisie, et on ne va pas s’en plaindre.”

André Comte-Sponville dans une interview pour psychologie magazine, Septembre 2016

Ici, il est question de l’hypocrisie sociale et non de l’hypocrisie religieuse. En effet, jusqu’au XXeme siècle, l’hypocrisie était liée à la religion : les homosexuels devaient se cacher, faire semblant d’être célibataires ou se mariaient à contre cœur pour se protéger. Tout le monde le savait mais faisait comme si de rien n’était. De même pour les mères célibataires qui étaient mises au ban de la société car l’homme refusait ses responsabilités.

De nos jours, ces situations ne sont plus vécues comme immorales mais comme banales et acceptées par la grande majorité d’entre nous. Les valeurs ont changé et l’hypocrisie porte davantage sur l’apparence physique et sur nos dires afin d’appartenir à un groupe. L’hypocrisie correspond à notre volonté de cacher une partie de nous même afin de tirer bénéfice des autres : c’est notre égoïsme dissimulé derrière des valeurs socialement positives comme la générosité, la bonne santé, l’écologie, … , C’est vouloir correspondre à la morale de notre temps.

 

 

SYNONYMES:

  • mensonge: ce qui est trompeur, illusoire.

(source: Le Robert 2016)

  • simagrée: comportement  affecté destiné à attirer l’attention, à tromper.

(source: Le Robert 2016)

Comme l’hypocrisie, ces deux autres mots désignent quelque chose de faux. Pourtant, à la différence d’un comportement hypocrite, un mensonge est spontané : on ment pour se sortir d’une situation délicate, pour protéger quelqu’un ou encore pour éviter un sujet qui nous incommode. Les simagrées quand à elles, sont le fruit d’une demande d’attention : on veut qu’une personne en particulier s’intéresse à nous et s’occuper de nous, on agit donc de manière à la faire réagir, on exagère un peu, sans pour autant être hypocrite avec elle.

 

ANTONYMES:

  • sincère: qui exprime des sentiments réellement éprouvés, qui ne cache pas ses pensées.

(source: site du CNRTL)

  • franc: qui est véritablement tel.

(source: Le Robert 2016)

 

INTERPRÉTATION:

Si on fait le parallèle  entre notre époque  et le XVIIème siècle qui est le siècle de l’hypocrisie religieuse,  nous pouvons constater que notre époque porte comme vertu l’hypocrisie sociale à travers les réseaux sociaux.

En effet,  les réseaux sociaux ont tendance à valoriser des aspects de la personnalité que l’on considère comme des défauts : la vantardise, les dépenses excessives ou futiles, l’individualisme, l’importance de l’apparence physique… Cela donne souvent recours à l’hypocrisie. Prenons par exemple le cas de deux personnes influentes qui posent ensemble : elles ne s’apprécient pas forcément mais font tout de même comme si car elle auront plus d’influence si les utilisateurs de réseaux pensent qu’elles sont amies. Dans d’autres situations, l’importance donnée à l’apparence sur les réseaux pousse les internautes à retoucher leurs photos avant de les mettre en ligne pour faire croire que la lumière est parfaite, que leur ventre est plat, qu’ils sont musclés ou que le décor est idyllique. Nous savons tous que cela est faux. La personne qui le fait, sait qu’elle ment mais elle souhaite être acceptée par les autres et donc se contraint à modifier son image physique ou sociale. Et nous qui regardons, nous critiquons en pointant ce comportement hypocrite mais nous continuons à regarde, à liker, à suivre voire même à en faire autant. Toute l’hypocrisie de notre société est donc bien là, nous adulons ce que nous critiquons.

L’hypocrisie nous permet parfois de faire bonne figure et de se sentir intégré car nous sommes des êtres sociables. Cela peut s’apparenter à de la politesse. Par exemple on ne va pas se moquer ouvertement de la tenue d’un invité même si l’on n’en pense pas moins. Cela permet de garder de bonnes relations en mettent de côté le superflu, à savoir la tenue vestimentaire. On peut également faire semblant d’aimer un film pour ne pas se couper d’un cercle d’amis. Dans ce cas, l’hypocrisie ne fait de mal à personne si ce n’est à nous même car nous ne respectons pas nos propres valeurs afin d’être bien vu par un groupe. Mais la plupart du temps l’hypocrisie sert à se servir des autres, à les manipuler afin d’atteindre un but précis et dans ce cas elle est bien plus sournoise.  C’est le cas, par exemple, de ces influenceurs qui se sont servis de leur notoriété pour inciter des gens à acheter des actions ou de la crypto-monnaie. Ils savaient que cela pouvait avoir de lourdes conséquences mais ne l’ont pas mentionné. Ici l’hypocrisie frôle l’escroquerie.

L’hypocrisie a toujours un mauvais impact, soit sur soi-même, soit sur les autres. Pourtant, toute vérité n’étant pas bonne à dire, il faut apprendre à en user subtilement pour vivre correctement en société.

ILLUSTRATION:

J’ai choisi d’illustrer le terme hypocrisie par cette image tirée du journal Ouest-France car je la trouve plutôt réaliste. En effet, elle représente deux hommes se serrant la main en se souriant. Pourtant, l’ombre de l’homme en vert étrangle celle de l’homme en jaune.

Si l’on se réfère à Freud, l’hypocrisie est l’expression du surmoi : c’est-à-dire on se sent obligé de respecter  l’ensemble des valeurs que l’éducation nous a transmis du passé. Ici l’homme en vert est poli, car le vert est la couleur de la sincérité. Il respecte les conventions sociales alors que l’homme en jaune, qui représente le traitre et qui lui a sans doute fait du tort, est hypocrite. L’homme en jaune se présente tout sourire après lui avoir sans doute jouer un mauvais tour. C’est pour cela que l’homme en vert rêve de l’étrangler comme le suggère son ombre.

(source: Ouest-France)Ouest-France

Capucine Lacarrière

Laisser un commentaire