Le bonheur

Extrait de la « Note de commentaires indicative rédigée par l’Inspection de l’enseignement agricole » du 7 avril 2016

Le Siècle des Lumières, en prônant l’idée de progrès dans la société les hommes, a voulu mettre le bonheur à la portée de chacun, ici et maintenant, tournant résolument le dos à une vision religieuse qui  promet la béatitude dans un au-delà.
Le triomphe de la raison, l’attention portée à l’individu, à ses droits et ses libertés ont contribué à faire du bonheur, ce « souverain bien », le but suprême de l’individu et de la communauté.
La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen a pour finalité le bonheur individuel et collectif et instaure un véritable « droit au bonheur » par le biais d’un projet de société égalitaire et juste. Le bonheur devient un enjeu politique.
L’idée de bonheur a donc une histoire. Née en Grèce, elle coïncide avec l’histoire de la philosophie. Pour Épicure, « la philosophie est une activité qui procure la vie heureuse ». Objet d’un système et d’un discours philosophiques stoïciens et épicuriens, le bonheur se définit par la vertu (bonheur eudémoniste) ou le plaisir (bonheur hédoniste) alors destinés aux sages et aux aristocrates. Le bonheur se démocratise aujourd’hui.
L’Antiquité réservait le bonheur à une élite, la Révolution de 1789 en a fait un droit universel, les Trente Glorieuses ont consacré celui-ci comme le bien-être obtenu grâce aux satisfactions matérielles, à la
consommation de masse, à la civilisation des loisirs et à  l’accomplissement de soi.
Au cours du XXème siècle, la croissance économique a permis l’élévation du niveau de vie des individus et la richesse des nations. Les conditions de vie se sont améliorées sur l’ensemble de la planète grâce aux progrès technologiques et sociaux, et pour les « utilitaristes » c’est la seule source essentielle de bonheur qui vaille.
Longtemps objet d’attention privilégié de la philosophie et de la littérature, le bonheur a pris corps avec l’économie moderne sous la forme de l’augmentation de la richesse matérielle. L’image du bonheur s’identifie à celle du progrès. Est donc valorisé le culte de l’effort de chacun pour contribuer à son bonheur et à celui de la
société entière.
À défaut de pouvoir définir le bonheur, valeur subjective s’il en est, l’approche des sciences humaines vise à mesurer la qualité de vie des individus. Mais aujourd’hui, certains économistes émettent des réserves sur cette corrélation positive entre richesse et bonheur. Et le bonheur est aujourd’hui interrogé par d’autres sciences :
sociologie, économie alternative, voire sciences dites « dures ».
Ce regard « objectif » nous interroge : le bien-être est-il le bonheur ? En est-il une condition ? Sommes-nous réellement plus heureux que nos ancêtres ? Les sociétés modernes contraignent l’individu à se procurer le bonheur par le biais de la production, de l’échange et de la consommation dans le contexte d’une économie mondialisée ultra-libérale : la recherche d’un bonheur peut-elle se définir comme une « addition baroque de plaisirs »?
Par ailleurs, le bonheur est non seulement un droit, mais aussi un devoir. Pascal Bruckner déplore l’injonction d’être heureux. En lui accordant des libertés et des droits inaliénables, la démocratie responsabilise l’individu qui doit être l’artisan de son propre bonheur. L’échec est source de malheur. Le bonheur peut donc être un fardeau.

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