Critique du film Nerve

Nerve, affiche du film

Nerve, le nouveau film de Henry Joost et Ariel Schulman sorti en août dernier rencontre un vif succès, notamment auprès des jeunes. Et pour cause ! Son intrigue très actuelle, sa bande originale « qui fait jeun’s » et ses prises de vue singulières en font un film à ne pas manquer.

Ce scénario qui mêle habillement action, romance et suspens semble, de surcroît, s’adresser de la meilleure des façons à son public, c’est-à-dire en reprenant ce qui lui est de plus cher, tout comme le fait le jeu « Nerve ». Le monde virtuel d’internet et des réseaux sociaux, l’importance de la popularité couplé avec l’attrait de l’argent sont en effet autant d’éléments qu’utilise le jeu pour attirer les jeunes, et par un phénomène de ricochet, le film reprend cela pour attirer à son tour ses « voyeurs ». L’univers dans lequel se déroule l’histoire du film est sensiblement le même que celui dans lequel nous vivons réellement et les problématiques soulevées de contrôle de données, de vie virtuelle sous pseudonymes et de spectacle-téléréalité qui envoûte -quasiment- tout le monde nous les reconnaissons aisément ! Nonobstant ce n’est pas seulement l’analogie avec le réel qui attire les spectateurs vers ce film où les personnages sont presque exclusivement des adolescents –les seuls adultes sont la mère de Vee, les vendeurs et les policiers ; enfin c’est ce que je me plaît à croire…

Selon moi, c’est tout d’abord le thème du jeu et ses implications dans une histoire proche de nous qui séduit le public. L’influence des jeux sur les comportements et même sur les pensées peut être grande, nous le savons et l’observons tous les jours, mais la mise en abîme de cet énoncé l’expose encore davantage et nous fait prendre conscience de cela. Le besoin d’adrénaline, c’est-à-dire la recherche du « vertige » ou de « l’illinx » comme le dirait Roger Caillois, mais aussi l’envie de montrer à tous sa force et son courage, ou plus optionnellement le besoin d’argent poussent les joueurs de Nerve à accepter les défis, à se mettre en danger. Ils sont prêt à tout pour gagner et « jouent pour gagner », à l’image de Ty qui ne cesse de répéter cette phrase. Cela les conduits vers des extrêmes, qui commencent là où Sidney est pressée par la foule de relier deux appartements vis-à-vis en marchant sur une échelle et finissent dans l’arène où les personnages principaux se retrouvent avec une arme à feu dans la main, poussés à commettre le meurtre. Quand ils jouent, les personnages ne respectent plus les règles sociales et légales, mais leurs préfèrent les règles instaurées par le jeu –assez simples dans le cas présent : relever le défi et gagner, ou le perdre, ou abandonner. Dans Nerve, le monde réel se transforme en terrain de jeu, jusqu’à ce que le jeu l’emporte sur tout et que celui-ci devienne réalité… La définition de nos amis sociologues et philosophes comme jeu, activité de fiction, ne tient alors plus et, de surcroît, la gravité de ses conséquences en retire tout esprit ludique : le jeu Nerve n’est plus un jeu, c’est une réalité et une réalité qui explose à la tête de tous ses acteurs lorsque ceux-ci reçoivent le dernier message « vous êtes complice de meurtre – se déconnecter – OK ».

Le principe de ce film n’est pas nouveau, et si on le rapproche aisément de l’œuvre The Game de David Fincher, il me semble que sa ressemblance avec le plus récent Hunger Games n’est pas non plus à négliger ! Ces deux longs métrages destinés à un public principalement jeune, traitent en effet tous deux d’un jeu où quelques joueurs sont acteurs mais que le reste de la population, tout du moins leurs semblables, suit aussi avec attention. Dans les deux cas il s’agit pour les intéressés de vaincre les autres, quitte même à transgresser toutes les formes de règles éthiques les plus élémentaires, quitte même à tuer. Aussi on ne peut pas renoncer, on peut seulement abandonner, perdre ou gagner. A la fin des deux films toutefois, les personnages prennent conscience de la manipulation (des créateurs de Nerve ou des dirigeants du Capitole) et le combat pour que la réalité censée reprenne à nouveau le dessus sur le jeu fou est lancé.

Finalement, ce film nous rappelle l’importance des relations humaines simples et réelles, dépourvues du faste d’internet et de l’intermédiaire des icônes « like » ou « follow », des pseudonymes et autres avatars. Il nous met aussi en garde contre les dangers que peuvent comporter les jeux quand ils commencent à influencer sur notre personne et sur le monde. Nerve est un film qui s’adresse aux jeunes et qui fait passer un message sans être moralisateur ; il a le mérite de porter des idées sans avoir cette prétention et c’est ce qui m’a le plus plu, en définitive.

Hannah van Dinteren

Une réflexion sur « Critique du film Nerve »

  1. Bravo pour cet excellent article, références à R. Caillois, mais aussi lien avec Hunger Games.. et surtout analyse pertinente, personnelle, sur une nouvelle dimension où réel et virtuel sont bien mélangés! L’homo ludicus , apparu depuis peu, serait déjà en danger?

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