Distance

JUSTIFICATION :

La notion de distance est souvent associée à quelque chose de loin.  Ainsi cette notion n’a plus du tout la même valeur au fil des siècles : aller jusqu’à Paris de Nantes aujourd’hui n’est pas “si loin” alors qu’au moyen-âge, cette distance se faisait en un peu plus de deux jours ! Seulement, cette notion est revenue au cœur de nos vies avec la crise sanitaire : limitation de sortie à 1 kilomètre de chez nous, puis 10 km, puis 100 km, l’impossibilité de voir les personnes que l’on aime,… Nous avons été loin de nos proches pendant de long mois, alors qu’il n’étaient parfois qu’à quelques kilomètres de chez nous. La distance est alors traitée dans son sens purement mathématiques, d’un chiffre qui nous permet de calculer ce qui nous sépare d’un point.

C’est pourquoi il serait intéressant d’en connaître plus sur ce mot qui a pris cette dernière année tout son sens.

 

ETYMOLOGIE :

La distance vient du latin “distantia”, qui vient lui-même de “distans”. En reprenant l’étymologie “distans”, une conjugaison du verbe “distare”, le préfixe -di signifie rester debout. “distans” veut alors dire être éloigné, la présence d’un écart entre deux points.

DEFINITION :

CNRTL :

– intervalle mesurable qui sépare deux objets, deux points dans l’espace.

-différence entre des personnes.

-réserve, recul vis-à-vis de quelqu’un ou quelque chose.

LAROUSSE :

-intervalle qui sépare deux points, deux personnes dans l’espace, un espace à parcourir.

D’après Wikipédia, la distance à été formalisée par les mathématiques : c’est une grandeur physique permettant d’illustrer un espace entre deux points, deux temps, mais aussi un concept géographique.

Nous voyons donc bien deux définitions différentes : les 3 dictionnaires s’accordent sur la notion scientifique du terme , c’est-à-dire une grandeur physique, quelque chose que l’on peut voir, que l’on peut mesurer. A la différence du Larousse et de Wikipédia, Le CNRTL donne aussi une définition plus abstraite de celle-ci : il s’agit d’une divergence de point de vue, de s’éloigner mentalement d’une idée afin de faire la part des choses, mais aussi de réfléchir et raisonner sans biais.

Lorsque nous étudions l’histoire du terme distance, nous voyons bien l’évolution de la définition de celui-ci : avec l’étymologie de distance, c’est la définition scientifique qui correspond à l’origine du mot. La distanciation “mentale” est attestée dans la langue française depuis 1959, et serait une traduction d’un terme allemand ” vermfemdungs “, terme théâtrale permettant à l’acteur de faire ressortir le message social ou politique derrière son personnage. Ainsi, la définition de distance a évolué, s’est élargie afin d’inclure une distanciation que l’on ne peut pas mesurer par un calcul ou un outil, mais plutôt une perception que l’on se fait.

SYNONYMES :

-différence :

Ce premier terme se rapproche plus du fait “de se mettre à distance”, c’est-à-dire de faire la distinction entre la réalité et ce qu’on dit habituellement. Seulement, la différence est plus tranchée que la distance : il s’agit de montrer que deux termes s’opposent lorsque l’on parle de différence, alors que mettre à distance semble plutôt vouloir montrer une divergence sur un aspect de deux choses qui paraissent similaires. Nous pouvons aussi parler de différence au sens de soustraction, seulement le rapprochement avec la distance au sens mathématique est plus difficile, une distance étant toujours positive contrairement à la différence entre deux nombres.

-éloignement :

Ce deuxième terme se rapproche lui plus de la notion mathématiques, c’est-à-dire l’espace entre deux points. L’éloignement a une connotation plus lointaine, quelque chose de très loin contrairement à la distance qui n’est que l’espace entre deux points, qu’ils soient à 2 cm ou 200 km. On pourrait dire que la distance est plus neutre que l’éloignement.

ANTONYME :

proximité , analogie

CITATION :

” l’idéal n’est que la vérité à distance “

Alphonse Lamartine, Histoire des girondins, 1847

Cette citation utilise deux concepts très forts : la vérité et l’idéal. Le premier est ce qui correspond à ce qui est, c’est l’adéquation entre la chose et l’idée que l’on en a. L’idéal est ce qui possède toutes les caractéristiques, les qualités propre à son type. Seulement l’idéal est souvent irréalisable, c’est l’intellectualisation d’un système, objet, mais qui ne prend pas forcément en compte les biais qui peuvent s’ajouter. Nous pourrions comparer ces deux terme comme le réel et le discours : le discours étant l’idéal, comment nous imaginons quelque chose, l’idée que nous nous en faisons, et la vérité le réel : ce qui se passe lorsque nous appliquons l’idéal, avec les imprévus , c’est-à-dire les lois physiques, sociales,… La vérité est un terme transcendantal pouvant s’appliquer à tout ce qui est , alors que l’idéal n’est que notre propre perception. Ainsi, Lamartine montre par la distance que l’idéal est la vérité auquel on a ôté ce qui nous dérangeait, ce sur quoi nous n’avons pas la main,… L’idéal est utopique alors que la vérité est l’adéquation avec la réalité.

Nous pouvons aussi faire un lien historique avec cette citation : le livre dont elle est extraite se nomme histoire des girondins, c’est-à-dire l’histoire d’un groupe politique républicain pendant le révolution française. Cette œuvre a pour but d’expliquer la révolution française à travers les yeux des girondins. Il y a donc aussi un aspect politique. En se référant à la citation, nous pourrions faire un parallèle avec la politique : elle est un idéal, qui n’est pas applicable à la réalité. Les hommes politiques, par leur statut social ne peuvent pas se rendre compte de ce que vit réellement le peuple de l’époque, il y a trop de distance entre leurs mondes.

IMAGE :

23 février 2021, Gatis Sluka , dessin caricatural.

L’image choisie est une caricature récente datant de début 2021, et dessinée par un artiste letton  nommé Gatis Sluka. Cette caricature fait partie d’une série d’oeuvres nommées “environment” . Elle représente des poissons dans l’eau qui sont tous enfermés dans des déchets plastiques comme des bouteilles ou des sacs jetables.On peut aussi voir en arrière plan des bouteilles et un masque jetable. Sur le bas de l’image, il y a écrit “social distancing ” qui signifie distanciation sociale. Nous pouvons également remarquer que les poissons paraissent paniqués, avec leur grands yeux ronds, et qu’ils souhaitent entrer en contact mais qu’ils ne peuvent pas à cause du plastique qui les entoure.

Cette illustration à deux angles de lecture : un écologique, et un autre social, comportemental.

L’artiste semble vouloir d’abord dénoncer l’explosion du plastique en mer, et de la pollution engendrée. Celle-ci est la cause de la destruction de la biodiversité marine, représentée par les poissons.  Le terme “social distancing” est alors ironique, comme si ce plastique aidait les poissons à se protéger des autres, en raison de la pandémie actuelle, alors que cette pollution ne fait qu’ aggraver leur situation.

Nous pourrions aussi voir cette caricature comme une moquerie des gestes barrières, l’artiste prend alors position politiquement. Les hommes, représentés par les poissons qui sont le symbole de l’ignorance et de l’absence intellectuelle sont entourés de plastique, qui représente les distanciations sociales. L’artiste voudrait alors dire que nous nous entourons de précautions inutiles, voire dangereuses pour nous car nous sommes ignorants, et ne faisons que suivre les directives gouvernementales.

La distance est alors parfaitement exprimée : les poissons , qui veulent se rejoindre, n’en n’ont pas la possibilité en raison du plastique qui les entourent. De plus, la pollution engendrée par les hommes ne les atteint pas, car rejeté dans la mer, la distance qui les séparent de ce problème fait qu’ils n’y prêtent pas attention, car ce ne les touche pas directement.

INTERPRETATION PERSONELLE :

La distance est un mot qui peut résonner différemment selon la situation dans laquelle on se trouve. J’ai expérimenté la distance de façon négative et positive : négative, car elle m’a été imposé dans un moment où j’ai cru qu’elle me serait insurmontable ; positive car elle m’a permis de m’émanciper, d’échapper à un destin qui ne me plaisait point. Dès lors, la distance peut apparaître comme un échappatoire ou comme une punition, car elle suppose l’éloignement, qu’il soit physique ou mental, avec une idée, un objet, une personne.  La distance est en fait peut être un moyen de protection avec la réalité, comme le dit Lamartine.

La distance, qu’elle découle de son sens métaphysique ou mathématiques, est par conséquent autant destructrice que instructive, littéraire que scientifique, émotionnelle que rationnelle.

Une réflexion sur « Distance »

  1. “ce faisais” ? aïe…
    Réduire l’amorce afin de garder des arguments pour l’argumentaire. Une amorce, c’est juste une raison qui nous pousse à parler d’un mot. J’aime bien l’idée du paradoxe de la distance proche à cause du confinement.

    La suite fonctionne bien. Je pense qu’il existe une fiche “distanciation” par rapport au théâtre (le terme est de Brecht : nous l’avons vu l’an dernier avec Beckett). Faire un lien (si elle existe).
    Impeccable pour les synonymes.

    C’est Lamartine + titre à souligner. Ce titre indique que Lamartine parle des Révolutionnaires. Donc vous pouvez mettre votre analyse (de qualité) en lien avec la Révolution française.

    Où est le point de vue personnel, qui est l’occasion de s’entraîner à l’argumentation ?

    Illustration à décrire et à interpréter.

    Bon travail 🙂

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