Scepticisme

Le terme scepticisme est souvent employé de façon inappropriée. Ce mot est très souvent utilisé dans un contexte négatif alors qu’en réalité il n’a pas forcément un sens péjoratif. Comme les adjectifs épicurien et stoïcien, les mots sceptique et scepticisme sont passés dans le langage courant et en ont été dénaturés, c’est pourquoi il est important d’étudier le sens réel de ce mot.

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Gravure du XVIIème siècle représentant Pyrrhon

Cette gravure représente Pyrrhon d’Elis, un philosophique grec ayant vécu au IVe siècle avant J.-C.. Pyrrhon d’Elis est considéré par les sceptiques anciens comme le fondateur du scepticisme. Cette image représente donc le scepticisme en montrant celui qui  est considéré comme le créateur de cette philosophie.

 

La signification du terme scepticisme a évolué au cours du temps. Ce mot possède un sens philosophique et un sens courant.

Définition 1 :

  • Sens philosophique : Dans le domaine de la philosophie, le terme “scepticisme” est employé pour nommer une doctrine des pyrrhoniens selon lesquels l’homme ne pouvant atteindre la connaissance de la vérité, il est nécessaire de pratiquer en toute chose la “suspension du jugement” et d’ériger le doute en système. Toute doctrine qui nie la possibilité de la connaissance de l’absolu; doctrine qui refuse d’admettre une chose sans examen critique, sans doute scientifique.
  • Sens courant : Attitude, disposition d’esprit d’une personne portée à l’incrédulité ou à la défiance envers les opinions et les valeurs reçues.                                                                                                                                                                                                                                                             (def CNRTL)

Définition 2 :

  • Sens philosophique : Doctrine des pyrrhoniens, des sceptiques grecs, selon lesquels l’esprit humain ne peut atteindre aucune vérité générale, et qui pratiquaient en toute chose la “suspension de jugement” (“époché”).  Attitude philosophique qui nie la possibilité de la certitude.
  • Sens courant : Tournure d’esprit incrédule; défiance à l’égard des opinions et des valeurs reçues.                                                      (def Le nouveau petit Larousse de la langue française 2007)

Définition 3 :

Le scepticisme est une doctrine fondée en Grèce, au IVe siècle avant J.-C., par Pyrrhon d’Elis (on parlera ainsi de “scepticisme            pyrrhonien”). Il affirme non pas que la vérité est inaccessible, mais que nous ne pouvons pas être sûrs qu’elle soit accessible. Philosopher doit alors consister dans la pratique du doute, en vue de la suspension de jugement. Pour les sceptiques grecs, la suspension de jugement a un but moral : procurer la “tranquillité de l’âme”, en laquelle consiste la sagesse.                           (def Petit Larousse de la philosophie)

Étymologie :

Le mot “scepticisme” est formé de sceptique, issu du grec ancien skeptikos qui signifie observateur, celui qui examine (cela fait référence aux philosophes septiques grecs qui observaient sans rien affirmer), et du suffixe -isme qui sert à former un nom correspondant à une attitude, un comportement, une doctrine, une idéologie ou une théorie .

Position d’un philosophe :

Friedrich Nietzsche disait :  “Qu’on ne se laisse point égarer : les grands esprits sont des sceptiques. Zarathoustra est un sceptique. La force et la liberté issues de la vigueur et de la plénitude de l’esprit se prouvent par le scepticisme. Pour tout ce qui regarde le principe de valeur ou de non-valeur, les hommes de convic­tion n’entrent pas du tout en ligne de compte. Les convictions sont des cachots. Elles ne voient pas assez loin, elles ne voient pas au-dessous d’elles : mais pour pouvoir parler de valeur et de non-valeur, il faut voir cinq cents convictions au-dessous de soi – derrière soi. Un esprit qui veut quelque chose de grand, qui veut aussi les moyens pour y parvenir, est nécessairement un sceptique. L’indépendance, vis-à-vis  des convictions et le fait de savoir regarder librement font partie de la force…”

Friedrich Nietzsche estimait que le scepticisme, la faculté de suspendre son jugement à tout égard, était la marque des esprits forts. Pour lui, les Hommes sont robotisés, automatisés, par le système. Dans le système l’esprit perd toute sa faculté de s’exprimer et il devient systématisé, ordonné selon les valeurs du système.                                                                                                                                                             Nietzsche cherche à montrer que nous n’avons aucune connaissance de quoi que se soit en dehors de ce que nous percevons. Pour lui il ne peut pas y avoir de vérité absolue : « […] ; il n’y a pas plus de données éternelles qu’il n’y a de vérités absolues. »

 

Interprétation personnelle :

Le terme scepticisme est un terme assez complexe qui n’est pas toujours utilisé comme il faut. Cette philosophie fascine par son principe d’ “absence de jugement”. L’homme sceptique s’appuie sur des faits scientifiques, vérifiés, établis. Il est convaincu que la certitude absolue n’existe pas, et sans rejeter les propos qu’il entend, il cherche à les appuyer par des éléments rationnels. Le scepticisme ce n’est pas refuser les opinions ou les valeurs, c’est refuser l’existence d’une vérité absolue. Pour les sceptiques l’Homme ne peut pas connaître cette vérité absolue, il faut toujours douter. Mais douter de quelque chose implique t-il forcément une critique? Le scepticisme par son refus de juger n’est pas une doctrine qui s’oppose aux croyances ou aux idées, mais une philosophie qui est en perpétuelle recherche de réalité et de faits établis et objectifs.

  • Synonymes :

 incrédulité, méfiance

L’incrédulité et la méfiance, tout comme le scepticisme,  sont des adjectifs qui traduisent une certaine prudence, une certaine réserve,  vis à vis de faits ou de valeurs reçues.

Cependant la méfiance diffère du scepticisme du fait qu’elle traduit l’état d’esprit d’une personne qui se tient sur ses gardes face à quelqu’un d’autre ou à propos de quelque chose alors que le scepticisme n’implique pas forcément que la personne soit sur ses gardes ni qu’elle soit dubitative ou soupçonneuse.

De même l’incrédulité se différencie du scepticisme puisqu’elle qualifie l’attitude d’une personne qui met en doute des faits, des croyances ou des évènements qui lui sont présentés pour vrais, alors que le scepticisme engage une absence de jugement . Une personne incrédule prendra position et s’autorisera une critique alors qu’une personne sceptique s’abstiendra de juger.

  • Antonymes :

certitude, conviction, croyance

 

Enora Jehanne