Banquise

Le banquise recouvre toute une partie de notre planète Terre, d’une surface pouvant atteindre des millions de kilomètres carrés. Récemment, elle prend une place de plus en plus importante au sein des débats climatiques à cause de sa fonte progressive. En effet, d’ici quelques dizaines d’années, elle aura totalement disparu. En cause : le changement climatique et les activités humaines.

Écrire cet article m’a paru important pour sensibiliser à son importance et sa beauté, et ainsi prôner sa protection.

En effet, la banquise est bien plus qu’une simple étendue de glace vierge. Elle constitue tout un écosystème où vivent en harmonie de nombreuses espèces animales et végétales. Elle peut également être l’outil de nombreuses métaphores par son caractère froid, mystérieux et profond.

J’ai toujours aspiré à découvrir par moi-même cette étendue de glace dont j’entends tant parler, mais que je n’ai jamais pu observer de mes propres yeux. C’est pour cela que je tiens à transmettre cette passion à travers cet article…

 

Étymologie

 

Le mot banquise vient du danois pakis, venant lui-même de l’ancien nordique pakki, signifiant paquet, et iss, signifiant glace. Le mot pakis a été influencé par le mot banc auquel a été ajouté iss, assimilé au suffixe -ise en français, permettant de former le mot banquise que nous connaissons actuellement. On peut également constater qu’à l’origine, le mot banquise signifiait “paquet de glace” ou “banc de glace”, image facilement associable à la banquise telle que nous la voyons aujourd’hui.

 

Définitions

 

A – Banc de glace d’épaisseur variable, formé par congélation de l’eau de mer, qui borde le rivage des régions polaires. (CNRTL – TLFi, 1994)

B – Étendue marine ou côtière couverte par une couche de glace (résultant de la congélation de l’eau de mer, opérée entre − 1 et − 2 °C selon la salinité, elle peut être attachée au rivage [banquise côtière] ou mobile [banquise dérivante], déplacée par les courants). (Dictionnaire Larousse, 1960)

C – Amas considérable de glaces flottantes qui forment une sorte de banc, et empêchent ou gênent la navigation. (Dictionnaire de l’Académie 6e édition, 1835)

 

On peut constater que les définitions A et B, plus récentes, donnent une description plus scientifique de la banquise contrairement à la définition C. En effet, au XIXe siècle la banquise était encore très méconnue puisque que c’était également l’époque des premières expéditions polaires. C’est pour cela qu’elle n’est pas définie dans les dictionnaires plus anciens. On peut remarquer que la définition C donne une image plus péjorative de la banquise que les autres définitions. Elle relève en effet plus du domaine de la navigation et est définie par le fait qu’elle empêche les bateaux de passer. A l’époque, les premiers brise-glaces étaient justes construits à partir d’une structure en bois renforcée par des bandes de fer au niveau de la coque et pouvaient facilement être détruits par la glace.

 

Extrait philosophique

 

L.-F. Céline c Meurisse 1932.jpg

 

” Une forte vie intérieure se suffit à elle-même et ferait fondre vingt années de banquise. “, Louis-Ferdinand CÉLINE, Voyage au bout de la nuit, 1932

Louis-Ferdinand Céline, de son vrai nom Louis Ferdinand Destouches est un écrivain et médecin français du XXe siècle. Il est connu pour son style d’écriture très novateur qui utilise de nombreux procédés elliptiques et emprunte des mots à l’argot, afin de transmettre l’émotion d’un langage parlé. Il a notamment écrit le roman Voyage au bout de la nuit en 1932 (dont est extrait la citation ci-dessus) avec lequel il obtient le prix Renaudot. Il y raconte sa propre expérience de la guerre et y dénonce la pourriture du monde.

 

On peut décomposer la citation en différentes parties pour mieux l’analyser.

Les termes “vie intérieure” pourraient se référer aux mouvements qui se passent à l’intérieur de nous et non à nos actions sur le monde extérieur. Cette vie intérieure serait constituée de toutes nos pensées, désirs, émotions et espérances. Elle désigne en quelque sorte notre conscience. Elle peut aussi être associée à notre intimité, notre solitude et nos peurs. Une vie intérieure “forte” correspondrait à une importante élévation spirituelle, c’est-à-dire que plus elle est riche, plus elle reflète une personnalité réfléchie et sage et nous arme pour affronter le réel.

Les termes “se suffit à elle-même” nous indiquent qu’une forte vie intérieure permettrait de subvenir à nos besoins spirituels. Cela signifierait qu’il n’est pas nécessaire de toujours agir sur le monde extérieur car les réflexions et toutes nos actions intérieures suffisent amplement à combler notre vie intérieure, c’est-à-dire que toutes nos actions extérieures et les expériences vécues ne pourront jamais consolider notre conscience aussi bien que le simple fait de penser, réfléchir, ressentir et espérer. Ce point de vue peut rejoindre celui des philosophes idéalistes comme Hegel qui prônent l’importance des idées, de la pensée et non des actions.

Les termes “ferait fondre vingt années de banquise ” nous présente la banquise comme une épaisse couche de glace qui représenterait notre vie antérieure. Le nom banquise serait ici employé pour désigner vingt-années d’ignorance ou d’errance puisque la banquise peut être associée à un désert dans lequel on se serait perdu. La banquise est donc employée de manière plutôt péjorative dans cette citation. Elle pourrait également désigner les épreuves que la vie nous impose et qu’il faut surmonter, comme les brise-glaces qui doivent se frayer un chemin à travers la banquise pour pouvoir continuer d’avancer, au risque de se détruire.

Pour conclure, la citation de Louis-Ferdinand Céline pourrait signifier que cultiver notre vie intérieure, l’entretenir par nos réflexions, nos pensées, nos idées, nous permettrait de nous délivrer de l’ignorance et de prendre conscience de ce qui nous entoure et ainsi de surmonter les obstacles de la vie.

 

Cependant, on peut aussi interpréter cette citation différemment. Une “forte vie intérieure” qui “ferait fondre vingt années de banquise” pourrait être une métaphore de la passion. En effet, celle-ci est mise en opposition avec la banquise qui serait ici métaphore de la distance et de la froideur caractérisant les rapports humains. Le verbe “fondre” désignerait la passion comme un feu ardent, capable de faire fondre les cœurs les plus glacials.

En conclusion, la citation pourrait vouloir dire que tout ce dont nous avons besoin est d’amour.

 

Dans le roman Voyage au bout de la nuit, la citation est employée après que le narrateur cherchant le sommeil, se soit rendu au cinéma après avoir erré dans la rue. Il semble décrire cet endroit comme un lieu qui nous permet de laisser libre cours à nos rêves et fantasmes. Après la séance, il se sent prêt à toutes les résolutions dont celle de dormir ; c’est au moment de rentrer chez lui que la citation est introduite.

Dans le contexte de l’œuvre, la “forte vie intérieure” pourrait en effet être identifiée à la passion, mais à une passion plus large, englobant l’amour ainsi que l’art, les rêves et les fantasmes. De plus, “vingt années de banquise” pourrait symboliser l’errance physique et psychique du narrateur, son incapacité à atteindre son but et plus précisément dans le passage, à trouver le sommeil.

La découverte de la passion par le narrateur à travers ses fantasmes, lui a permis de mettre fin à ses errances et de se sentir en capacité de tout accomplir. Cependant, la citation est introduite à un moment de l’histoire où le personnage est dans un état d’optimisme après avoir visionné un film. La suite du roman délivrera une message très pessimiste sur le monde, à travers les nombreuses désillusions du narrateur, ce qui entrerait en contradiction avec la citation. Celle-ci serait donc valable seulement pour un état d’esprit donné, justifiant l’emploie du conditionnel “ferait”.

 

(photographie de Louis-Ferdinand Céline : Photographie de presse prise par l’Agence Meurisse en 1932)

 

synonymes et antonymes

 

Synonymes :

  • glace : Eau congelée, solidifiée par le froid (CNRTL)
  • pack (arctique) : Banquise permanente qui flotte au centre de l’océan Arctique et dont l’étendue est de 8,7 millions de km² (CNRTL)

La glace et la banquise diffèrent car la glace désigne de l’eau congelée ce qui comprend de l’eau de mer comme de l’eau douce, alors que la banquise désigne seulement de l’eau de mer congelée.

Le pack est permanent contrairement à la banquise dont la surface diminue en fonction de périodes de l’année. En effet, celle-ci n’a jamais de surface stable contrairement à celle du pack qui est fixée à 8,7 millions de km².

Antonymes :

Il n’est pas évident de trouver un antonyme de banquise, c’est pour cela que j’ai cherché un écosystème présentant le plus de différences possibles avec elle. En effet, la banquise est un milieu froid et sec, ce qui s’oppose à un milieu chaud et humide comme les grandes forêts équatoriales. De plus, ces milieux présentent une très forte densité d’êtres vivants contrairement aux milieux polaires. Je propose donc les antonymes suivants :

  • jungle : Plaine marécageuse de l’Inde couverte d’une végétation épaisse et exubérante, où vivent les grands fauves (CNRTL)
  • forêt tropicale : Ensemble des forêts qui croissent dans les régions tropicales et subtropicales (Futura Planète)

 

interprétation personnelle

 

La banquise, par tout ce qu’elle évoque, peut être personnalisée et être l’outil de nombreuses métaphores par son infinité de significations et de caractères qui peuvent lui être attribués. 

De mon point de vue, elle évoque le grand inconnu, le mystère total. Elle m’a toujours intriguée et n’a jamais cessé de flotter au dessus de moi, comme si l’objectif de ma vie était de pouvoir la contempler de mes propres yeux. 

Sa couleur blanche et sa surface lisse, brillante et immaculée rappelle la pureté et la sobriété d’un monde innocent que l’homme n’a pas encore perverti. De plus, elle est peuplée de différents animaux et végétaux tous plus discrets les uns que les autres, de peur de rompre l’harmonie de ce lieu.

Ensuite, la banquise peut également être caractérisée par son silence qui pourrait évoquer sa pudeur, sa sagesse, sa discrétion, sa modestie, contrairement à la jungle qui est colorée et accablée de cris d’animaux, montrant une certaine extravagance et un besoin d’attention. En effet, la banquise est aussi une solitaire qui n’aime pas être dérangée, et qui rejette toutes couleurs vives.

De plus, on pourrait lui attribuer les caractères antithétiques de la fragilité et de la force puisqu’elle peut se briser avec une extrême facilité quand sa croûte est fine et au contraire faire preuve d’une solidité à toutes épreuves quand elle est suffisamment épaisse.

En outre, sa surface lisse peut également évoquer l’aisance et la facilité, comme s’il nous suffisait de nous laisser glisser dessus pour avancer et échapper à tous nos soucis. On a l’impression qu’on pourrait la contempler à perte de vue, comme si elle ne s’arrêtait jamais et qu’elle pouvait défier les règles de l’espace et du temps. C’est pour cela qu’elle peut être considérée comme un symbole de l’infini, pouvant nous emporter vers des horizons inexplorés, vers un monde merveilleux méconnu des hommes.

C’est tout ce lyrisme de la banquise, caractérisé par son silence et les émotions qu’elle suscite en moi, qui m’attire tant vers elle…

Bien sûr, la banquise  peut également être perçue comme menaçante et dangereuse pour l’être humain, contrastant avec son caractère lyrique décrit précédemment. Elle est parfois synonyme de distance, de solitude, de danger voir même de mort.

En effet, sa froideur et son hostilité en rebuterait plus d’un. Cependant, cela ne pourrait-il pas être un bouclier  qui protégerait une beauté ou un mystère incommensurable, que seuls les rares aventuriers à tenter d’y pénétrer pourraient comprendre ?

 

illustration

 

(photographie de Vincent Munier, extraite de son livre Arctique, paru en 2015)

 

Sur la banquise, les animaux peuvent vivre paisiblement loin de la société humaine. Cet ours polaire isolé, marchant d’un pas tranquille au premier plan, met en valeur ce lieu que l’homme n’a pas encore totalement colonisé et où seule s’applique la loi de la nature; une nature sauvage illustrée par le grand prédateur qu’est l’ours blanc mais également une nature frugale et innocente. En effet, cette photographie où le blanc est omniprésent évoque la pureté de la banquise et sa sobriété puisque les seuls éléments présents sont l’ours et la glace. Comme le dit lui-même Vincent Munier, auteur de cette image : “Le blanc me captive particulièrement : il efface le superflu, permet de ne garder que l’essentiel.”

On peut également constater que la banquise fait office de miroir dans lequel l’ours y contemple son double. La banquise pourrait être un lieu qui permettrai de mieux se découvrir ou se retrouver. En effet, la banquise peut évoquer la solitude et l’isolement. Qu’y a-t-il de mieux qu’un peu de tranquillité pour une discussion avec soi-même ?

De plus, on peut observer sur la photographie que l’ours polaire et son reflet forment au niveau de leurs pattes avants un cœur horizontal. Serait-ce l’expression de l’amour de la banquise ? Ce cœur pourrait symboliser l’attrait exercé par la banquise, et exprimer par là l’amour du photographe pour cet endroit. On peut également y voir un signe que l’amour n’a pas de frontière et qu’il s’illustre même dans les lieux les plus improbables.

En outre, on peut noter que la ligne d’horizon n’est pas perceptible puisqu’il n’y a presque pas de contraste entre la glace et le ciel à l’arrière plan. Cela pourrait évoquer la perte de repères et donc la désorientation. La banquise semblerait donc être un lieu perdu, inaccessible, flou et également intrigant. Effectivement, le ciel est enveloppé de blanc, ce qui procure à la photographie une aura mystérieuse.

Néanmoins, pourquoi ne pas y voir aussi un espace sans frontières, de liberté infinie, une ouverture vers l’aventure et tous les possibles ?

Rien n’est définitif, j’ai envie de croire qu’il reste un espoir pour la sauver.

 

Alice BONNEAU, Terminale G

Une réflexion sur « Banquise »

  1. L’amorce est pertinente, avec les liens vers les articles Terre et Harmonie. Mais le style du premier paragraphe pourrait être allégé. C’est maladroit.

    C’est impeccable pour l’étymologie et les définitions : des qualités de synthèse et de précision.

    Très bon choix de citation ! Mais le problème avec Céline est son ironie, qui rend toujours difficile (comme pour Voltaire) son utilisation en copie de philosophie. On ne sait pas en effet quelle idée il défend vraiment, car il prend des distances avec tout… C’est peut-être pour cela qu’il a été si peu clairvoyant d’un point de vue politique ! En somme, je pense qu’il vous faut nuancer votre interprétation, trop sérieuse. Il fait usage du conditionnel, d’ailleurs. Je crois que c’est surtout l’idée de passion qui est évoquée ici. La banquise est la métaphore de la froideur et de la distance. A vérifier avec le contexte de l’oeuvre ? ou bien, proposez plusieurs interprétations possibles. Mais ne faites pas de Céline le chantre du développement personnel, s’il vous plaît !
    La photo ne vient pas non plus de Wikipédia. Je dirais que c’est l’une des photos des éditions Gallimard. A vérifier aussi… indiquez la date !

    Impeccable pour les synonymes et antonymes. Réflexion très juste.

    J’aime beaucoup le “lyrisme de la banquise” que vous inventez ici. Peut-être à nuancer par un questionnement sur la pureté qu’elle évoque ? La banquise est aussi menaçante, dangereuse pour l’homme.
    Mettez un peu moins de 1re personne, de façon à gagner en rationalité philosophique.

    Très belle interprétation de la photographie. Je me demande seulement si l’ours est vraiment en train de marcher tranquillement. On dirait qu’il est interpellé par la présence du photographe. J’y vois une sorte de temps suspendu avant une attaque… mais je suis bien plus pessimiste que vous 😉

    Article déjà très réussi : bravo ! Bon travail, pour aller vers le 20/20 !

Laisser un commentaire